Croc Blanc, chapitre VII – le maitre fou, 1/

Avec  Beauty  Smith,  ce maître fou,  Croc Blanc  devint  un vrai diable.  Beauty  Smith  le gardait enchaîné  dans un enclos   derrière le fort.  Il venait  le voir  souvent et là,  il s’amusait  à l’énerver  le plus possible  pour que le chien-loup  devienne  une vraie brute sauvage.

Beauty  éclatait de rire  en regardant  son  loup.  Il avait compris  que Croc Blanc  devenait très enragé  quand on se moquait de lui,  alors  il le montrait du doigt  en riant et  en lui donnant  des  coups  de bâton.

Lorsque  il  riait de lui,  Croc Blanc  tirait  de toutes ses forces  sur sa chaîne et  devenait lui aussi  complètement fou.

Il était déjà  l’ennemi des chiens,  mais,  à cause  de la méchanceté  de ce maître, il devint aussi l’ennemi  des hommes blancs.  Il se mit  à haïr  tout ce qui bougeait,  tout ce qui l’entourait.  Il haïssait sa chaîne  et  son enclos,  il  haïssait  les hommes qui venaient le voir.  Mais surtout,  il haïssait  Beauty Smith.

Un jour,  Beauty amena plusieurs hommes blancs   autour de l’enclos.  Il entra avec un bâton,  détacha Croc Blanc  et ressortit rapidement.  Le loup  tourna  en  rond  dans l’enclos,  puis  se jeta  contre les planches  en essayant  de mordre  les hommes  qui l’entouraient.

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Croc-Blanc  avait  beaucoup  grandi.  Il  était long de plus d’un mètre cinquante,  haut  de quatre-vingt centimètres,  plus gros  et  plus beau  qu’un loup adulte.  Avec  ses muscles d’acier,  ses crocs brillants  et sa haine  pour le monde entier,  il était devenu  une machine à tuer.

La porte de l’enclos  s’ouvrit de nouveau,  un énorme chien  fut poussé  à l’intérieur  puis la porte se referma.  Croc Blanc comprit  qu’il pouvait en profiter  pour se venger et vider sa haine.  Il bondit  sur la bête  et lui déchira  l’épaule  d’un coup de croc,  rapide comme l’éclair.  Le chien secoua la tête,  gronda et sauta sur Croc Blanc.  Mais le jeune loup  bondissait  à droite, à gauche,  en avant, en arrière,  s’échappant toujours  à la dernière seconde.

Les hommes hurlaient  et applaudissaient,  ils  faisaient  des  paris  avec  de l’argent.  Beauty  était très heureux.  Le chien n’avait  aucune chance.  Il était trop lent  et trop prudent,  alors que Croc Blanc  était décidé à le tuer.

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Quand tout fut terminé,  Beauty  frappa le loup avec un bâton  et traîna  le chien mort au dehors.

Les hommes qui avaient parié  sur le chien avaient  perdu, ils  donnèrent l’argent à  Beauty  qui  organisa  d’autres  combats.

Croc Blanc   attendait  les combats  avec impatience.   C’était son  seul plaisir.    Il pouvait alors  utiliser  toute sa force  avec toute sa haine  sans être puni.  Il ne perdait  jamais.

Un jour, on fit entrer un vrai loup.  Il le tua.

Un autre jour,  on fit entrer  deux chiens en même temps.  Ce fut  son plus dur combat.  Il faillit mourir,   mais il les tua tous les deux.

 

 

 

 

Croc-Blanc, chapitre VI – la famine, 1/

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Deux ans  plus tard,  il y eut  une terrible famine  dans la région  du Mackenzie.

Le poisson  manqua  tout l’été.  Puis, en hiver,  on ne vit  aucun caribou.  Les élans  étaient rares  et les lièvres  avaient disparu.

Les hommes  avaient très faim.  Les plus faibles,  les malades,  moururent.  Les femmes  et les enfants ne mangeaient rien.  Seuls les chasseurs  mangeaient un tout petit peu  pour avoir  la force d’aller chasser.

Les hommes  se mirent à manger  le cuir  de  leurs moufles  et  de leurs mocassins.

Les chiens  rongeaient les fouets,  les cordes,  les lanières.  Puis les chiens  commencèrent  à se dévorer  entre eux  et les hommes  mangèrent  les chiens.

Croc Blanc  et d’autres chiens  jeunes et courageux  s’enfuirent.  Mais dans la forêt,  ils moururent presque tous de faim  ou dévorés par les loups.

Croc Blanc  survécut  car  il était né dans la nature  et avait appris  à se débrouiller  sans les hommes  dans son enfance.  Il se nourrit  pendant  quelques semaines  en attrapant  du petit gibier.  Il se tenait  caché,  immobile  pendant  des heures,  surveillant  un écureuil  et attendant  qu’il descende  de l’arbre.  Alors  il bondissait  sur le petit animal  et le mangeait.  Mais  les écureuils  disparurent  aussi.   Alors  il s’attaqua  à des mulots  dans leurs terriers  et même  aux féroces belettes.

Un jour,  il rencontra  un jeune loup  maigre  et presque  mort de faim.  Croc Blanc  aurait pu  être  son ami  et retrouver  une meute sauvage.   Mais  il était  si affamé  qu’il se jeta  sur le louveteau, le tua et le mangea.

Croc Blanc  avait  de la chance.  Il trouvait  des animaux  plus faibles  que lui  et  qu’il pouvait manger.  Il dévora  même un lynx  et  le lendemain,  une troupe de loups essaya de l’attraper.   Mais comme  il venait de manger,  il fut  plus rapide  que ses adversaires  et put se sauver.

Croc Blanc  retrouva  la grotte  où il était né.   Il y dormit  quelques  nuits.

Plus tard,  il retrouva   un campement   d’Indiens   au bord du Mackenzie.   Il  l’observa  pendant quelques heures.  Il  entendit  des cris de femmes  et  des rires d’enfants.   Il comprit   que leurs estomacs  étaient pleins.  Une odeur  de poisson grillé  flottait  dans l’air.   La nourriture ne manquait plus  et la famine  s’en était allée.

Alors  il sortit de la forêt  et,   trottant  à travers le village,   vint droit à la tente  de Castor Gris.  Celui-ci  n’était pas là  mais  sa femme   Klou Klouch  reçut Croc Blanc  avec  des cris  de joie.   Elle lui donna  du poisson  et il se coucha  en attendant  le retour   de Castor Gris.

 

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Croc Blanc, chapitre IV – Croc Blanc rencontre les hommes, 5/

<<< chapitre IV, 4 <<<


 

Castor Gris  donna  Kiche, la louve,  à un autre Indien,  Trois Aigles.

Celui-ci  partit  le lendemain  pour un long voyage.  Le louveteau   vit sa mère   emmenée sur la pirogue   de Trois Aigles.   Il se jeta à l’eau et   essaya de la rejoindre.

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Mais l’Indien lui donna  un violent coup de rame  qui l’assomma à moitié.   La pirogue s’éloigna rapidement.

Castor Gris  avait vu  Croc Blanc   et  l’attrapa par la peau du cou.  Il  lui donna  une bonne raclée  pour le punir  de s’être échappé.  Le louveteau  essaya de se défendre  mais les coups furent  encore plus forts.

Croc Blanc eut très peur.  C’était  la première fois  qu’un homme  le frappait ainsi.  Il se mit à hurler.  Castor Gris vit  qu’il avait compris  la punition  alors il arrêta  de le frapper. Puis il jeta  Croc Blanc au fond  d’une pirogue  et s’élança sur le fleuve.

Il donna un coup de pied à Croc Blanc qui le gênait pour prendre la rame.  Croc Blanc eut alors un mouvement de récolte :  il mordit l’Indien au pied !

Castor Gris se mit à nouveau très en colère. Il saisit la rame et se mit à  le  frapper encore.   Le louveteau  fut rejeté au fond de la pirogue.   Il n’avait plus la force de bouger. Maintenant il savait  qu’il ne fallait  jamais mordre  son maître.

Croc Banc  resta toute la journée  au fond de la pirogue  pendant que l’Indien pêchait.

Le soir, son maître  le jeta sur la berge  et il dut le suivre  en rampant  tant il avait mal.

Quand Liplip  le vit  arriver sans sa mère,  il se jeta sur lui.  Il l’aurait tué  si Castor Gris ne l’avait pas défendu.

Le louveteau  comprit  alors  que son maître  était sévère  mais juste.   Il passa la nuit dans la tente de son maître.   Il ne dormit pas  car il pensait à sa mère  et il était triste de son absence.

 

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Les jours suivants,  il alla  encore se promener vers la forêt.

Il avait toujours  envie de s’enfuir, mais il avait peur de la punition   et il espérait que Trois Aigles   reviendrait avec sa mère.

 

 

La vie au camp  était  quand même  agréable.

Croc Blanc apprenait  peu à peu  la bonne manière  de se conduire  avec son maître.   Il était très obéissant.    En récompense,  Castor Gris   lui apportait   nourriture et protection.  Parfois il lui donnait  un bon morceau de viande,  empêchant  les autres chien  d’approcher.

Il ne le caressait jamais  mais Croc Blanc   commençait à l’aimer   en même temps qu’il le redoutait.

 

Le louveteau  espérait  toujours revoir sa mère.  Il continuait souvent à se battre  avec Liplip.   Les autres chiens aussi  le poursuivait  car il était différent d’eux.

Croc Blanc  acceptait les combats.  Il était fort  et courageux.  Ses adversaires reçurent de féroces morsures.   Quand un seul chien  l’attaquait,  il était souvent le meilleur.

Mais les chiens  l’attaquaient  souvent en groupe.   Le loup se défendait,  souple comme un chat   et rapide comme un serpent.

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Un jour, il tua un chien  en lui plantant  ses crocs  dans la gorge.   Tout le monde voulut punir   Croc Blanc,   mais Castor Gris,   qui avait compris   que les chiens  étaient toujours méchants  avec lui, refusa de le battre.

Mais les autres Indiens  devinrent aussi  méchants,  lui lançant des pierres  dès qu’ils le voyaient.   Croc Blanc  devin t de plus en plus féroce  pour se défendre.

Il finit  par ressembler plus  à un loup sauvage  qu’à un compagnon de l’homme.   Les chiens  n’osaient  même plus  l’attaquer.   Ils étaient même   obligés  de se déplacer en groupe   car dès que Croc Blanc   en voyait  un tout seul,   il lui sautait dessus.

Il devenait  de plus en plus sauvage,  comme ses parents.  Il était devenu un loup  presque adulte, robuste et rapide.   Il n’y avait  plus de place  pour la bonté   et l’amour  dans son cœur.

Il obéissait  à Castor Gris  parce que  c’était le plus fort  mais écrasait  les plus faibles.   Il devint  plus méchant,  plus puissant  et plus rapide   que tous les autres chiens   car il avait été obligé  de se défendre  contre leurs attaques.   Il était nécessaire qu’il devînt plus intelligent  et plus meurtrier  pour survivre.

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fin du  chapitre  IV,   à  suivre  ….

Croc Blanc, chapitre IV – Croc Blanc rencontre les hommes, 4/

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Un jour enfin,  il eut  sa revanche  contre son ennemi  Liplip.

Il essaya  de se débarrasser de lui   par la ruse.    Il s’arrangea  pour attirer  le chien vers sa mère.   Tout en se bagarrant avec lui,    il s’approchait  lentement  de la tente  où elle était attachée.

 

Chaque fois  que Liplip sautait sur lui,  il reculait d’un pas  et son adversaire  était obligé de  le suivre.

Quand Liplip   comprit  qu’il était tombé  dans un piège,   il était trop tard.

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La louve  bondit sur lui  et lui enfonça  les crocs  dans le cou.   Kiche  renversa  le grand chien sur le dos  et lui déchira  le ventre  furieusement.    Le chien  roula en hurlant et s’enfuit honteusement.

Croc Blanc le poursuivit  en le mordant au derrière.   Il était tellement content de se venger  qu’il ne laissa le chien  que lorsque  les femmes  lui donnèrent  des coups de bâtons.

Un jour,  enfin,  Castor Gris   décida de détacher Kiche  et de la laisser  en liberté  dans le camp.   Croc Blanc fut très heureux.   Ils se promenèrent dans tout le camp.   Ils rencontrèrent  Liplip  qui les évita.

Ce même jour,  les deux loups allèrent  vers la forêt.  Le jeune loup  essayait  de décider sa mère  à fuir.   Mais Kiche refusait  d’avancer  plus loin.  Il courait  quelques pas,   puis s’arrêtait  et regardait  en arrière.

La louve  ne bougeait pas.  Il gémit  et gronda  en courant   dans tous les sens.   Puis il revint vers elle, lui lécha le museau   et se remit  à courir.   Elle ne bougeait   toujours pas.  Alors il revint  et la regarda   dans les yeux.

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La nature  appelait Croc Blanc  et sa mère.   Mais Kiche  sentait  un autre appel  encore plus fort.   C’était celui de l’homme.

Kiche  ne pouvait plus  partir.   Elle se mit  à trotter  lentement vers le camp.   Le petit loup se coucha  sous un arbre et   pleura. L’odeur de la forêt  lui rappelait   sa vie heureuse et libre   d’avant.

Dans le Grand Nord,   les petits  ne restent jamais  avec leur mère.

Croc Blanc et Kiche se séparèrent tristement.

 

 

 

 

 

CROC BLANC, chapitre III – L’enfance de Croc Blanc, 4/

<< chapitre III, 3  <<

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Le petit louveteau  était très curieux :  il  examinait  l’herbe,  les mousses,  les  plantes  qui  l’entouraient.  Un écureuil  vint courir  près de lui  et sa peur  se réveilla,  il recula  et gronda.  Mais l’écureuil  eut aussi peur  que lui  et  grimpa  rapidement  dans un arbre  d’où il poussa  des  cris aigus.

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Le  louveteau reprit  courage et  continua son chemin.  Il remarqua  qu’il y avait  des choses vivantes  et des choses  non vivantes.  Les premières  allaient et venaient  et pouvaient représenter  un danger.  Les secondes  restaient  toujours  à la même  place.

Il marchait  avec maladresse.  Il se cognait  contre des branches,  trébuchait  et se tordait  la patte.  Mais il apprenait  à devenir  de plus en plus  attentif.

Il découvrit  par hasard  un nid  de petits hérons.  Quand  il s’approcha,  les oisillons  s’agitèrent  et se mirent  à piailler.  Il trouva cela  très amusant.

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Il posa  la patte  sur l’un d’eux,  le flaira,  puis le prit  dans sa gueule.  Cela lui donna faim.  Il serra  ses mâchoires.  Les os fragiles  craquèrent  et du sang chaud  coula  dans sa gorge.  C’était bon.  La viande  était  semblable  à celle  que lui apportait  sa mère,  mais vivante  entre ses dents,  et donc  meilleure.

Il dévora  le petit héron  et toute la famille.  Mais la mère héron arriva,  elle était furieuse  et lui donna  de violents  coups de bec.  D’abord,  il cacha sa tête  entre ses pattes  et hurla.  Puis la colère  le prit aussi.  Il se redressa,  gronda,  frappa  des pattes  et donna  des coups de dents.  C’était la première  bataille   du louveteau.  Au bout d’un moment,  les deux animaux,  de force égale  et épuisés,  abandonnèrent la lutte.

Le louveteau  alla  s’étendre  pour se reposer.  Il avait mal  partout.  Mais il sentit  un nouveau danger  au-dessus  de sa tête.  Un énorme  faucon  planait  dans le ciel.  Il se cacha  sous un buisson.  Mais  la pauvre mère héron  qui voletait  tristement  autour de son nid vide,  n’avait pas vu  le danger   qui la menaçait.

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Le petit loup  vit le faucon  descendre  à la vitesse de l’éclair,  saisir  l’oiseau  entre  ses griffes  puissantes  et  s’envoler  haut  dans les airs.

 

Le petit loup  quitta son abri.  Il venait  de recevoir  quelques bonnes leçons  pour sa survie.

Il savait  maintenant  que tout ce qui bougeait  était de la viande,  que ces choses vivantes  étaient  grosses ou petites,  que plus elles étaient grosses,  plus elles  étaient fortes  et plus  elles pouvaient  faire mal.  Il fallait donc  manger les petites  comme les  oisillons.  Il avait compris aussi  que la viande  qu’il chassait  était  la proie  d’autres  animaux  encore plus  puissants.

Il découvrait  les lois de la nature.

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