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L’ enfance de Croc-Blanc
1/
Le petit louveteau gris ressemblait à son père le loup, alors que ses frères et sœurs étaient un peu bruns comme leur mère.
Durant les premières semaines de sa vie, le louveteau n’ouvrit pas les yeux. C’est seulement par l’odorat, l’ouïe et le toucher qu’il commença à connaître le monde qui l’entourait.
Il jouait avec ses frères et sœurs dans l’obscurité de la grotte. Il s’entraînait à grogner comme un loup. Il apprit à reconnaître sa mère, surtout pas son odeur, sa douceur, et le goût de son lait.
Il aimait sentir sa langue fraîche aller et venir doucement sur son petit corps. Cela l’endormait.
Peu à peu, ses yeux s’ouvrirent. Il aperçut l’entrée de la caverne et se sentit attiré par la lumière. Un peu plus tard, il essaya de ramper vers la sortie, suivi de ses frères et sœurs. La louve les retenait en arrière à coups de langue et de dents.
Le petit louveteau compris qu’à chaque fois qu’il tentait de s’éloigner, il recevait des coups de museau sur son petit corps, qui le faisaient rouler à l’intérieur de la grotte.
C’était un fier petit louveteau, carnivore comme tous les loups. A l’âge d’un mois, il commença à manger de la viande que sa maman mâchait puis déposait dans sa bouche.
Il était le plus fort et le plus courageux des petits. C’est lui qui apprit le premier à se servir de sa gorge pour grogner comme son père, à donner des coups de pattes pour se bagarrer avec ses frères. Il leur mordait l’oreille, les faisait rouler par terre et les piétinait en grondant.
2/
Le petit louveteau gris était le plus pressé de sortir de la grotte. Il était très attiré par la lumière du jour mais il ne savait pas ce que c’était. Il ne comprenait pas comment son père, qui partait chasser tous les jours, pouvait disparaître dans cette lumière.
Comme il n’avait pas le droit d’aller vers la sortie, il essayait de partir dans d’autres directions mais il se cognait contre les murs de la caverne et se faisait mal au nez.
Hélas, le petit louveteau connut bientôt le pire ennemi de tous les animaux du Grand Nord : la famine. Il y eut de moins en moins de viande et les mamelles de la louve devinrent vides et sèches, sans lait. Les louveteaux gémissaient toute la journée et remuaient de moins en moins. Finis les jeux, les bagarres et les glissades vers la lumière.
Le père loup était très malheureux. Il partait tous les matins pour de longues heures mais ne rapportait rien. La louve l’accompagnait parfois, laissant les petits faibles et endormis.
Au début, le loup avait trouvé des lièvres pris dans les pièges des Indiens qui campaient près de la rivière. Mais, à la fonte des neiges, les Indiens étaient partis et il n’y avait plus de pièges.
Un jour, les parents loups étaient partis plus loin et plus longtemps. Enfin, ils purent ramener de la nourriture. Le louveteau gris avala un peu de viande et commença à reprendre des forces. Il se rétablit, mais tous les autres petits étaient morts de faim.
3/
Un soir, le vieux loup partit à la chasse mais ne revint pas à la grotte. La louve le chercha. Vers le fleuve, elle trouva des traces du loup et du lynx. Elle comprit qu’ils s’étaient battus, que le loup avait perdu et qu’il ne reviendrait plus jamais. Un loup seul ne peut pas battre un lynx.
Maintenant, quand la louve partait chasser, le louveteau restait seul. Il savait qu’il ne devait pas sortir de la grotte. Il sentait que c’était dangereux.
Un jour, le petit loup eu très peur. Il fut réveillé par un bruit bizarre et sentit une odeur qu’il ne connaissait pas. Son poil se hérissa et il tremblait. C’était un gros rat qui s’était arrêté à l’entrée de la caverne.
Quand sa mère arriva, elle chassa le rat et lécha longuement son petit pour le consoler.
Le louveteau grandissait, devenait beau et fort. Son poil était épais et brillant. Ses muscles neufs lui donnaient envie de courir.
Un matin, il désobéit à sa mère : il se mit en marche vers la sortie. Il fut ébloui par la lumière. Puis il vit toutes les couleurs de la nature, les arbres, la rivière en bas, la montagne et le ciel. Il s’assit et regarda. Comme il avait un peu peur, il se mit à gronder.
Devant lui, il y avait une pente raide. Mais comme il avait toujours vécu sur un sol plat, il ne savait pas qu’il risquait de tomber. Il avança dans la pente, et soudain, il bascula la tête en bas. Son museau cogna brutalement le sol et il roula de plus en plus vite vers le bas de la pente. Il se mit à crier comme un petit chien.
Mais la pente devenait moins raide, le louveteau s’arrêta de rouler sur l’herbe. Il poussa un gémissement de peur puis, pour la première fois, un long cri d’appel. Il se lécha pour se débarrasser de la terre qui le salissait. Il n’avait pas mal et recommença à regarder autour de lui.
4/
Le petit louveteau était très curieux : il examinait l’herbe, les mousses, les plantes qui l’entouraient. Un écureuil vint courir près de lui et sa peur se réveilla, il recula et gronda. Mais l’écureuil eut aussi peur que lui et grimpa rapidement dans un arbre d’où il poussa des cris aigus.
Le louveteau reprit courage et continua son chemin. Il remarqua qu’il y avait des choses vivantes et des choses non vivantes. Les premières allaient et venaient et pouvaient représenter un danger. Les secondes restaient toujours à la même place.
Il marchait avec maladresse. Il se cognait contre des branches, trébuchait et se tordait la patte. Mais il apprenait à devenir de plus en plus attentif.
Il découvrit par hasard un nid de petits hérons. Quand il s’approcha, les oisillons s’agitèrent et se mirent à piailler. Il trouva cela très amusant.
Il posa la patte sur l’un d’eux, le flaira, puis le prit dans sa gueule. Cela lui donna faim. Il serra ses mâchoires. Les os fragiles craquèrent et du sang chaud coula dans sa gorge. C’était bon. La viande était semblable à celle que lui apportait sa mère, mais vivante entre ses dents, et donc meilleure.
Il dévora le petit héron et toute la famille.
Mais la mère héron arriva, elle était furieuse et lui donna de violents coups de bec. D’abord, il cacha sa tête entre ses pattes et hurla. Puis la colère le prit aussi. Il se redressa, gronda, frappa des pattes et donna des coups de dents.
C’était la première bataille du louveteau. Au bout d’un moment, les deux animaux, de force égale et épuisés, abandonnèrent la lutte.
Le louveteau alla s’étendre pour se reposer. Il avait mal partout. Mais il sentit un nouveau danger au-dessus de sa tête. Un énorme faucon planait dans le ciel. Il se cacha sous un buisson. Mais la pauvre mère héron qui voletait tristement autour de son nid vide, n’avait pas vu le danger qui la menaçait.
Le petit loup vit le faucon descendre à la vitesse de l’éclair, saisir l’oiseau entre ses griffes puissantes et s’envoler haut dans les airs.
Le petit loup quitta son abri. Il venait de recevoir quelques bonnes leçons pour sa survie.
Il savait maintenant que tout ce qui bougeait était de la viande, que ces choses vivantes étaient grosses ou petites, que plus elles étaient grosses, plus elles étaient fortes et plus elles pouvaient faire mal. Il fallait donc manger les petites comme les oisillons. Il avait compris aussi que la viande qu’il chassait était la proie d’autres animaux encore plus puissants.
Il découvrait les lois de la nature.
5/
Le louveteau arriva au bord de la rivière. Il ne savait pas ce que c’était cette chose liquide et glacée qui brillait. Il voulut sauter dessus mais il s’enfonça en poussant un cri.
L’eau était froide et rentrait dans ses yeux et dans ses oreilles. Il ouvrit la gueule pour respirer, aussitôt, l’eau entra dans sa gorge et ses poumons. Il étouffa.
Jamais le petit loup n’avait eu si peur. Il ne savait pas ce qu’était la mort, mais comme tous les animaux, il la sentait et il voulait vivre.
A force de se débattre, il arriva à sortir la tête de l’eau et à respirer. Il essaya de nager, mais le courant de la rivière devint très rapide. L’eau furieuse l’emporta très loin et le déposa finalement sur la berge.
Ouf, le louveteau avait reçu une nouvelle leçon de la nature. L’eau n’était pas une chose vivante, mais elle bougeait. Elle n’était pas solide, mais elle était dangereuse. Il fallait faire très attention.
Le petit loup avait aussi compris qu’il avait besoin de sa mère.
Il était très fatigué et tombait de sommeil. Alors il se mit à marcher pour revenir à la grotte.
Sur le chemin du retour, il rencontra une toute petite belette. Il lui donna un coup de patte. Elle poussa un petit cri bizarre. Le louveteau entendit un autre cri aigu et en une seconde, il vit comme un éclair jaune et sentit des dents se planter dans son cou.
C’était la mère belette qui s’enfuiyait avec son enfant pendant qu’il hurlait de douleur.
Il comprit alors que même une chose vivante petite pouvait être dangereuse.
Il revint lentement à la grotte.
La louve fut tellement heureuse de le retrouver qu’elle le lécha jusqu’à ce qu’il s’endormit.
6/
Le louveteau grandissait. Il allait se promener tous les jours sans se perdre. Il apprenait à mieux reconnaitre le danger.
Il devenait un vrai loup. Il attaquait des animaux pour les manger. Il aimait surtout les écureuils. Il devenait lui-même un vrai danger pour les autres, un tueur fier et courageux comme sa mère.
Mais il y eut une nouvelle période de famine : la louve et son fils ne trouvaient plus d’animaux à manger. Ils avaient tellement faim que la louve décida d’attaquer des petits lynx. Elle savait que la mère lynx se vengerait, mais elle dévora les petits. Et elle apporta un petit lynx au louveteau qui put enfin manger.
La mère lynx arriva à la grotte, elle poussa un cri terrifiant.
La louve repoussa son louveteau au fond de la caverne. Les deux mères se battirent férocement.
Le louveteau aida sa mère en mordant les pattes du lynx.
Ils gagnèrent la bataille mais ils saignaient beaucoup. Ils restèrent plusieurs jours dans la grotte pour se soigner. Ils mangeaient du lynx.
Le louveteau devenait de plus en plus fort. Il comprenait qu’il devait toujours se battre : se battre pour manger, et se battre pour ne pas être tué.
Il était heureux de faire de longues promenades et de remplir son estomac avec de la bonne viande.
Fin du chapitre III