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Le louveteau avait quitté la caverne. Il avait chassé toute la nuit. Il se sentait tout joyeux. En trottinant, il descendit au bord de la rivière pour boire.
Soudain il aperçut, et en même temps, sentit des hommes. Il n’avait jamais vu d’êtres humains. Ce fut sa première rencontre.
Les cinq hommes ne bougèrent pas quand ils le virent. Aucun cri ne sortit de leur bouche, ils ne bondirent pas sur leurs pattes. Ils le regardaient, immobiles, ils n’avaient pas peur. C’était des Indiens.
Le louveteau resta aussi là sans bouger. Il était très étonné. Il sentait que ces êtres étaient beaucoup plus puissants que le faucon ou le lynx. Il se sentait très faible, malgré ses muscles et ses crocs blancs.
Le louveteau n’avait jamais vu l’homme et pourtant il le reconnut. Il sentait qu’il était plus fort que tous les ennemis du Grand Nord. Il s’aplatit contre le sol.
Un homme se leva et se dirigea vers le petit loup. Il s’arrêta près de lui. Le louveteau s’aplatit encore plus en signe d’obéissance, au lieu de fuir, comme le ferait un loup adulte.
Il entendit une voix dire en riant :
« Regardez les beaux crocs blancs ! »
Il entendit les hommes rire. Une main s’abaissa vers lui. Il ne savait pas s’il devait mordre ou se laisser caresser. Finalement il mordit la main quand elle fut tout près. Alors il reçut un violent coup de poing sur le museau et il hurla de douleur.
Il comprit que cet adversaire était beaucoup plus fort que lui et se traîna à ses pieds. Puis il s’assit et le regarda comme pour demander pardon. Mais l’Indien était furieux d’avoir été mordu, il continua de le frapper. Le louveteau gémit, les autres Indiens s’approchaient et se moquaient de lui.
Soudain, les hommes dressèrent l’oreille. Le petit loup sentit et entendit sa mère arriver. La louve avait entendu ses cris et arrivait en bondissant et en grondant.
Elle sauta au milieu des hommes effrayés. Elle se précipita vers son fils et se mit à grogner férocement.
Un homme cria « Kiche ! »
A cette voix, le louve s’immobilisa.
« Kiche ! »
Le louveteau vit avec étonnement sa mère mettre son museau dans la poussière et s’aplatir sur le sol. Elle agitait la queue en signe d’obéissance ! Le louveteau comprit que l’homme était vraiment le plus fort des animaux du Grand Nord.
2/
L’Indien qui avait crié « Kiche » approcha et posa la main sur la tête de la louve.
Les autres Indiens aussi la caressaient. Les cinq hommes étaient très contents et leurs bouche faisaient beaucoup de bruit. Le louveteau se décida à venir se coucher près de sa mère.
« Je la reconnais, disait l’Indien, c’est Kiche. Son père était un loup et sa mère une chienne.
– Elle s’est échappée l’année dernière !
– Tu as raison Castor-Gris. Elle est allée vivre avec les loups. »
L’Indien qui s’appelait Castor-Gris toucha le louveteau.
« Celui-là sera mon chien, je l’appellerai Croc Blanc. »
Les hommes continuèrent à parler pendant un moment. Le louveteau qui venait de recevoir un nom, restait tranquille. Puis Castor-Gris attacha sa mère à un arbre.
Un autre Indien s’approcha de lui, le coucha sur le dos et se mit à lui frotter le ventre. Croc Blanc commença à grogner mais il trouvait ces caresses très agréables. Alors il cessa de gronder.
Croc Blanc entendit des bruits bizarres.
Toute la tribu indienne arrivait. Il y avait beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants, quarante personnes, portant toutes des bagages, provisions et outils.
Il y avait aussi beaucoup de chiens qui portaient des sacs attachés sur leur dos. Croc Blanc n’avait jamais vu de chiens. Il comprit qu’ils lui ressemblaient beaucoup avec quelque chose de différent.
Mais les chiens se jetèrent sur le louveteau et sa mère. Les hommes se précipitèrent sur les chiens et leur donnèrent des coups de bâton. Le louveteau comprit que les hommes le défendait. Mais il était triste : il ne comprenait pas pourquoi ses frères les chiens l’avaient attaqué. Il était aussi triste de voir sa mère attachée.
Le lendemain, la tribu d’Indiens repartit.
Castor-Gris attacha le louveteau avec sa mère et ils marchèrent avec les hommes.
Ils avancèrent toute la journée. Le soir, ils s’arrêtèrent au bord du fleuve Mackenzie.
Il y avait déjà des pirogues et du poisson qui séchait. Les Indiens installaient leur campement. Ils plantèrent des perches et les recouvrirent de peaux et de tissus pour former les tentes. Croc Blanc regardait avec admiration. Puis il vit que les femmes et les enfants entraient et sortaient des tentes, et que les chiens essayaient d’y entrer mais qu’on les chassait par des cris ou des pierres. Il rampa lui aussi vers une tente.
Il se trouva nez à nez avec un jeune chien. Celui-ci était un peu plus grand que le louveteau et il commença à montrer les crocs. Il s’appelait Liplip.
Croc Blanc aurait voulu être son ami. Mais Liplip lui montrait qu’il voulait se battre. Alors Croc Blanc se mit en colère et grogna. Les deux adversaires se regardèrent et tournèrent en rond l’un autour de l’autre. Les poils dressés sur leur dos, ils grondaient férocement. Croc Blanc avait un peu l’impression de jouer.
Mais soudain Liplip lui sauta dessus, rapide et méchant comme la foudre. Il le mordit à l’épaule. Le louveteau poussa un cri de surprise et de douleur. Puis il enfonça de toutes ses forces ses crocs dans la poitrine de Liplip. Mais celui-ci lui donna de violents coups de dents sur le dos. Finalement, Croc Blanc courra se réfugier près de sa mère.
Ce fut le premier combat avec Liplip, ce ne serait pas le dernier. Chaque fois qu’ils se rencontraient, ils se battaient sauvagement.
Pourtant le louveteau était chaque jour plus curieux de ce monde étrange qui l’entourait. Un jour, il s’approcha de Castor-Gris qui était en train de fabriquer un arc. Castor-Gris siffla avec sa bouche pour lui dire de s’approcher encore plus.
Croc Blanc avança si près qu’il le toucha de son museau.
Pour la première fois, il n’eut pas peur de l’homme.